Pour avoir simplement souhaité que le mouvement Ni putes ni soumises puisse s'émanciper de la tutelle de Fadela Amara (et de celle de Mohamed Abdi) pour rester crédible et libre de critiquer éventuellement la politique à venir, j'ai reçu plusieurs lettres assez enflammées.
Certaines sur le registre de l'affect, d'autres faisant preuve d'une confusion politique plus grave. En effet, les arguments invoqués pour justifier que l'on cesse de s'interroger sur l'entrée au gouvernement de Fadela Amara comme secrétaire d'Etat de Christine Boutin sont deux types mais relèvent du même registre :
1) Le féminisme ne serait ni de droite ni de gauche, il serait donc "sectaire" de critiquer le ralliement de Fadela Amara à la politique de Christine Boutin concernant les quartiers populaires.
2) Critiquer l'entrée de Fadela Amara comme secrétaire d'Etat de Christine Boutin reviendrait à vouloir exclure les militants de droite de NPNS (il y en aurait quelques uns), ce qui serait encore une fois "sectaire" voire contradictoire avec une volontée affichée de "vivre-ensemble".
Petites précisions donc à l'intention des partisans du "Ni droite ni gauche" (un vieux slogan d'extrême droite désormais très mode) : personellement, je ne serais pas choquée si Fadela Amara était devenue secrétaire d'Etat de Jean-Louis Borloo, Roselyne Bachelot, ni même si elle était devenue ministre dans un gouvernement Villepin, si elle avait une réelle marge de manoeuvre pour mettre en oeuvre une politique à la fois anti-intégriste et anti-raciste...
Mais qui peut croire sa décision anodine et sans effets sur la crédibilité de NPNS (censée défendre la laïcité et le féminisme pour tous !) alors qu'elle devient numéro deux d'une ministre intégriste chrétienne, provie, antiféministe, qui croit que Bush est possiblement à l'origine des attentats du 11/09 et se rend volontiers au congrès de l'UOIF pour appeler à une union sacrée des religieux contre la laïcité à la française !
Pas grave disent certains. Boutin n'est que ministre de la ville et non du Pacs... Mais c'est bien pire ! Boutin est ministre de la ville chargée de la politique concernant les quartiers populaires dans un gouvernement qui a choisi de restaurer le lien social grâce au religieux ! Or c'est cette politique que Fadela Amara cautionne d'ores et déjà en devenant secrétaire d'Etat d'un ministère dont le directeur de cabinet, formé par la Cité catholique, défend un intégrisme chrétien sexiste et homophobe.
Et que dire que la "marge de manoeuvre" ou de l'esprit critique de Fadela vis-à-vis de sa supérieur lorsqu'elle présente pudiquement Christine Boutin comme une "femme de coeur".
Cette caution relève d'un cynisme inouï aux yeux de ceux qui ont combattu et qui continuent de combattre les intégristes, qu'ils soient chrétiens ou musulmans. Elle alimente l'idée d'un 2 poids 2 mesures (critique envers Tariq Ramadan mais complaisant envers Christine Boutin) propre à faciliter la propagande des islamo-gauchistes.
Vouloir nous faire croire qu'il faut absoudre les intégristes chrétiens, tout en pensant que l'on reste crédible face aux intégristes musulmans, relève au mieux de la naïveté. Comment peut-on critiquer les idiots utiles de l'islamisme et traiter de "sectaire" ceux qui tentent de faire preuve de la même vigilance face à l'intégrisme chrétien ? Simplement parce qu'ils se permettent d'alerter sur le sens ambigû d'un partenariat Amara/Boutin (sachant que Boutin est la chef d'Amara et non le contraire !)
Il y a quelques années, j'ai rompu avec plusieurs amis qui, après avoir combattu Christine Boutin à mes côtés, se mettaient à trouver Tariq Ramadan formidablement charismatique. Je suis prête à perdre ceux qui, après avoir combattu Tariq Ramadan à mes côtés, présentent Christine Boutin comme une "femme de coeur" formidablement sympathique. Car c'est vrai, Tariq Ramadan est charismatique et Christine Boutin est sympathique. Mais ce n'est pas le sujet ! Ma vigilance porte sur leur projets de société, convergents et à l'opposé de la France laïque et féministe dont je rêve. Je les combats tous deux pour les mêmes raisons. Et tant pis si l'époque veut nous faire croire que la fidélité à ses idéaux et à ses convictions est une forme de "sectarisme" démodé et archaïque. Mes convictions ne suivent pas les modes. Elles sont.
Caroline Fourest
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