Misfit Cat Déesse parmi les déesses
Nombre de messages : 13299 Date d'inscription : 23/05/2005
| Sujet: Aux femmes qui demandent - sans plus y croire - justice. Mer 8 Mar - 16:51 | |
| Aux femmes qui demandent - sans plus y croire - justice. Qu’elles vivent ! par Marie-Victoire Louis, chercheuse au CNRS À celle qui est rentrée en métro À celle à qui rien n’a été expliqué À celle que l’on a refusée de recevoir À celle à qui l’on n’a rien proposé, pas même un café À celle à qui l’on n’a même pas osé demander ce qui s’était passé
À celle qui n’écoute pas car sa tête n’est plus là depuis longtemps
À celle qui a fait la queue À celle que l’on ne convoque pas À celle qui n’a jamais rencontré de juge À celle qui attend en vain des nouvelles À celle à qui l’on a dit que c’était trop tard
À celle à qui l’on a déclaré que son histoire ne tient pas debout
À celle à qui l’on a prescrit du Prozac À celle qui a été soignée pour crises d’angoisses À celle qui a dû se coucher nue sur une table d’examen À celle que l’on a consolée : ce n’est pas grave, tu vas t’en sortir À celle qui a mis sa déprime sur le compte de la mort de son grand-père
À celle à qui l’on a demandé si elle était vierge
À celle qui imaginait qu’elle serait bien défendue À celle qui ne comprend pas ce que les mots signifient À celle qui n’a pas eu l’argent pour payer un-e avocat-e À celle que l’on a longuement questionnée sur sa broche perdue À celle à qui l’on a asséné : vous n’avez pas beaucoup de biscuits
À celle qui découvre que sa parole n’a pas valeur de preuve
À celle qui a été traînée dans la boue À celle dont les amants ont été interrogés À celle qui doit justifier de ses antécédents À celle qui a été décrite comme fragile, au chômage, sans histoire À celle qui a compris que d’avoir défendu sa vie allait se retourner contre elle
À celle qui a entendu : émotion n’est pas raison
À celle qui a dû affronter son regard À celle qui apprend par la presse qu’il est séropositif À celle que l’on a menacée de lui faire une réputation À celle qui pense qu’il est bien capable d’exécuter ses menaces À celle qui doit payer 80 euros tous les mois à l’homme qui l’a violée
À celle qui a dû se contenter de : C’est vrai, Monsieur, vous ne recommencerez plus ?
À celle dont la plainte a fini au panier À celle qui reçoit une lettre : Affaire classée À celle qui se rend compte qu’il a plus de droits qu’elle À celle qui n’a jamais entendu parler de légitime défense À celle qui lit qu’il n’y a eu ni menaces, ni violences, ni contraintes
À celle qui a toujours bénéficié de la présomption de culpabilité
À celle qui ne cesse devoir se justifier À celle qui doit prouver l’improuvable À celle qui est témoin de sa propre cause À celle dont les collègues ont témoigné contre elle À celle qui voit la plainte traitée par-dessus la jambe
À celle qui, en poussant la porte, a compris que c’était perdu
À celle qui aimerait savoir ce que sa sexualité vient bien faire ici À celle qui découvre que les faits sont insuffisamment caractérisés À celle à qui l’on affirme que la demande de pardon est une grande avancée À celle qui doit se souvenir de tout, alors qu’elle est au trente sixième dessous À celle qui se demande si une enquête concernant sa personnalité est bien légitime
À celle qui a conclu qu’elle avait payé très cher sa parole
À celle qui trouve injuste que le doute profite à l’accusé À celle qui estime que ce n’est pas à elle d’apporter les preuves À celle qui ne croit pas que, pour être juste, il faille avoir fait du droit À celle qui considère que le ‘nécessaire recours à la loi’ a bien du plomb dans l’aile À celle qui ne comprend pas que tout soit si compliqué, alors que tout est si simple
À celle qui dit que la justice, c’est comme le loto
À celle qui est tétanisée À celle qui n’a pas eu le dernier mot À celle qui n’a pas supporté qu’on mette en doute sa parole À celle qui s’étonne de ce que l’essentiel n’est jamais abordé À celle qui doit répondre sans jamais pouvoir poser ses questions
À celle qui n’accepte pas qu’il soit remis en liberté
À celle qui a refusé le huis clos À celle qui s’est évanouie et a du être évacuée À celle à qui l’on a suggéré de pleurer car c’était bon pour elle À celle que l’on a encouragée à rester calme, digne, mesurée, cohérente À celle qui est menacée dans le lieu même où la justice est censée s’affirmer
À celle qui a du mal à penser que ça lui a fait du bien
À celle qui veut, elle, juger À celle qui aurait voulu se défendre toute seule À celle qui a méprisé le soutien, l’aide, l’écoute, l’empathie À celle à qui l’on ose encore dire : c’est parole contre parole À celle qui constate que les droits de la défense s’autorisent bien des droits
À celle qui a dû se blinder, se cliver, se désensibiliser pour supporter tout ça
À celle qui a n’a pas gagné À celle qui n’en peut vraiment plus À celle qui entend que les victimes encombrent les tribunaux À celle qui ne voit pas d’autres alternatives que le meurtre ou le suicide À celle qui, même dans un abri anti-atomique, ne se sentirait pas en sécurité
À celle qui hésite entre la course de fond et le calvaire
À celle qui a cessé sa thérapie À celle qui a posé son fardeau À celle qui est soutenue, aidée, comprise, encouragée À celle qui s’est reconstruit un monde qui lui appartient À celle qui en a marre d’être courageuse mais qui continue quand même
À celle qui croit encore un peu à quelqu’un-e et à quelque chose
À celle qui veut tout foutre en l’air À celle qui a été étouffée sous sa colère À celle qui ressent de la haine et qui n’en a pas honte À celle qui, faute de pouvoir hurler, a cessé de parler À celle qui ne sait même pas où, comment, auprès de qui crier
À celle que l’on nomme survivante, alors qu’elle est morte en dedans
À celle qui a tenu bon À celle qui appelle à la révolte À celle qui ressent l’urgence de s’organiser À celle qui s’est découverte forte comme un roc À celle qui n’a plus peur de rien ni de personne
À celle dont les rêves et les nuits et sont dorénavant apaisées
À celle qui a dénoncé le verdict À celle qui a critiqué la presse, la télé, les radios À celle qui a rendu hommage à ses ‘sœurs de sang’ À celle qui a rappelé qu’elles avaient toutes résisté À celle qui a démenti catégoriquement les accusations
À celle qui est fière de son combat
À celle qui a été retrouvée morte, à demi nue À celle dont le dossier portait la mention : fugue À celle que personne n’est allé chercher à la morgue À celle dont les enfants sont toujours en famille d’accueil À celle qui n’a eu d’autre épitaphe que d’avoir été un symbole tragique
À celle dont la vie s’est conclue par : corps presque complet, en bon état de conservation
À toutes celles qui pensent que tout ça, c’est le monde à l’envers Et qui ont raison
À toutes celles qui veulent que cet édifice vermoulu disparaisse à tout jamais Et qui ont raison
À toutes celles qui disent que tout doit radicalement changer. Et vite ! Et qui ont raison
À toutes celles qui, sans le savoir, ont changé le monde À toutes celles que plus personne ne peut plus humilier À toutes celles qui savent que le monde sera féministe ou restera barbare Et qui ont raison 14 janvier 2006 Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Photographies de Petr Flynt | |
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mariacallas Déesse parmi les déesses
Nombre de messages : 4102 Age : 41 Localisation : Rijsel Humeur : Des Ptits Trous Des Ptits Trous Toujours des Ptits Trous ... Date d'inscription : 23/08/2005
| Sujet: Re: Aux femmes qui demandent - sans plus y croire - justice. Mer 8 Mar - 22:32 | |
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