Depuis dix ans, à Ciudad Juárez et Chihuahua, des femmes sont enlevées et assassinées.Dans beaucoup de cas, la brutalité manifeste avec laquelle ces femmes ont été tuées dépasse le simple homicide.
Nombre d'entre elles ont été enlevées, retenues prisonnières pendant plusieurs jours et soumises à des violences sexuelles avant de mourir, le plus souvent étranglées ou battues à mort.
La majorité de ces femmes appartiennent à des couches sociales défavorisées, beaucoup étant des ouvrières employées dans les usines de sous-traitance (les maquilas) où sont fabriqués à bas prix des produits destinés à l'exportation.
Les autorités n'ont pas jusqu'à présent mis en place les moyens suffisants pour empêcher les crimes en question, les élucider, et en punir les auteurs. 28 femmes au moins ont encore été assassinées en 2005 à Ciudad Juárez et à Chihuahua.
En août 2005, la secrétaire générale d’Amnesty International, Irène Kahn, s’est rendue au Mexique pour rencontrer les familles de femmes victimes de meurtres et d’enlèvements et exposer aux autorités étatiques et fédérales les recommandations de l’organisation.
En février 2006 Amnesty s’est félicitée, lors de la parution du dernier rapport du bureau du procureur fédéral spécial chargé d’enquêter sur les meurtres de femmes à Ciudad Juárez, que soit officiellement reconnue l’absence, de la part des autorités, de prévention et de sanctions contre ces crimes.
L'efficacité limitée du bureau du procureur fédéral spécial
Le bureau du procureur fédéral spécial a été mis en place en janvier 2004 pour coordonner les investigations locales et fédérales sous le contrôle du procureur général de la république (PGR). Pour autant son travail n’a eu qu’une efficacité limitée.
- Les affaires anciennes n’ont pas fait l’objet d’un réexamen judiciaire sérieux même pour les cas où des allégations de torture ont été formulées. On est donc en droit de penser que certaines des personnes emprisonnées pour ces crimes pourraient l’être à tort.
- Selon le PGR, seuls 24 cas de meurtres relevaient directement de la compétence fédérale. Cependant même pour ces quelques cas là, aucun progrès significatif n’a été constaté.
- Des 177 fonctionnaires soupçonnés de négligence ou d’omission lors des enquêtes, voire d’infraction pénale ou disciplinaire, aucun n’a été déféré à la justice. Bénéficiant ainsi d’une totale impunité, certains continuaient même à tenir un rôle important au sein du bureau du procureur. Aujourd’hui la prescription pour tous ces dossiers a conforté le sentiment d’impunité.
- Les mesures fédérales se s’appliquent toujours pas à la ville de Chihuahua : la procureure fédérale spéciale et le bureau du procureur général de la république ne se sont intéressés qu’aux dossiers relatifs à la ville de Ciudad Juárez.
Des progrès notables néanmoins
- La commission spéciale pour la prévention et l’éradication des violences contre les femmes à Ciudad Juárez continue de jouer un rôle important dans l’assistance économique et sociale aux familles de victimes. De plus, c’est la seule institution étatique à reconnaître que ces crimes sont liés au « genre » (c’est-à-dire liés à l’appartenance au sexe féminin) et que l’Etat porte la responsabilité de n’avoir rien fait pour les prévenir ou les punir.
- La présence d’une association argentine d’anthropologie médicolégale dont le travail consiste à identifier les corps des victimes, redonne confiance aux familles.
- Le nouveau gouvernement de l’Etat de Chihuahua montre une certaine volonté de combattre les violences contre les femmes et se montre plus compréhensif à l’égard des familles de victimes.
- L’action du bureau en charge des meurtres de Ciudad Juárez a été reconsidérée en février 2006 : elle concerne désormais les violences envers toutes les femmes mexicaines. Une nouvelle procureure fédérale spéciale a été nommée.
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